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la capture de Bou-Maza, et les réceptions d’officiers avec leur total effrayant de punchs au kirsch.

Faiblesse humaine ! Il n’était pas fâché d’être un peu oracle quelque part, lui dont les petits sous-lieutenants, arrivant de Saint-Cyr, fuyaient naguère les trop longues histoires.

Ses auditeurs ordinaires étaient le maître du café, gros sac à bière silencieux et stupide, toujours en manches de veste et remarquable seulement par ses pipes à sujets ; l’huissier-priseur, personnage goguenard et vêtu de noir, méprisé pour son habitude peu élégante d’emporter le reste de son sucre ; le receveur de l’enregistrement, — celui des acrostiches, — être très doux et d’une constitution faible, qui envoyait aux journaux illustrés la solution des mots carrés et des rébus ; et enfin le vétérinaire du canton, le seul qui, en sa qualité d’athée et de démocrate, se permît quelquefois de contredire le capitaine. Ce praticien, homme à favoris touffus et à pince-nez, présidait le comité radical aux époques d’élections, et, lorsque le curé faisait une petite collecte parmi ses dévotes pour orner son église de quelque horrible statue en plâtre doré et enluminé, dénonçait par une lettre au Siècle la cupidité des fils de Loyola.