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couronnés par des billes de billard. Il constata que la salle était gaie, propre, également semée de sable jaune ; il en fit le tour, se regarda passer dans les glaces, apprécia les panneaux, où des mousquetaires et des amazones sablaient le champagne dans des paysages pleins de roses trémières, se fit servir, fuma, trouva le divan moelleux et l’absinthe savoureuse, et fut assez indulgent pour ne pas se plaindre des mouches qui se baignaient dans les consommations avec une familiarité toute campagnarde.

Huit jours après, il était devenu un pilier du café Prosper.

On y connut bien vite ses habitudes ponctuelles ; on prévint ses désirs, et il ne tarda point à prendre ses repas avec les patrons du lieu. Recrue précieuse pour les habitués, gens terrassés par le terrible ennui de la province et pour qui l’arrivée de ce nouveau venu, passé maître à tous les jeux et racontant assez gaiement ses guerres et ses amours, était une véritable bonne fortune ; le capitaine fut lui-même enchanté de rencontrer des humains encore ignorants de son répertoire. Il en avait donc pour six mois à dire ses razzias, ses chasses, ses batailles, la retraite de Constantine,