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et les oisifs d’alentour furent absolument stupéfaits de voir un homme décoré — chose encore rare en province — offrir le vin blanc au cocher sur le comptoir du prochain cabaret.

Il s’installa sommairement. Dans une maison de faubourg, où mugissaient deux vaches captives et où les poules et les canards passaient et repassaient sous la porte charretière, une chambre meublée était à louer. Précédé d’une maritorne, le capitaine gravit un escalier à grosse rampe de bois, parfumé d’une forte odeur d’étable, et pénétra dans une vaste pièce carrelée que tapissait un papier bizarre, représentant, imprimée en bleu sur fond blanc et répétée à l’infini, l’image de Joseph Poniatowski, à cheval, sautant dans l’Elster. Cette décoration monotone, mais qui rappelait nos gloires militaires, séduisit sans doute le capitaine, car, sans s’inquiéter du peu de confortable des chaises de paille, des meubles de noyer et du petit lit aux rideaux jaunis, il conclut sans hésitation. Un quart d’heure lui suffit pour vider sa malle, pendre ses habits, reléguer dans un coin ses bottes, et orner la muraille d’un trophée composé de trois pipes, d’un sabre et d’une paire de pistolets. Après une visite à l’épicier d’en face, chez lequel il acheta