yatagan sur la nuque, d’une balle dans l’épaule et d’une autre dans la cuisse ; et, malgré l’absinthe, les duels, les dettes de jeu et les juives aux yeux noirs en amande, il avait péniblement conquis, à la pointe de la baïonnette et du sabre, son grade de capitaine au Ier régiment de tirailleurs.
Le capitaine Mercadier — trente-six ans de services, vingt-deux campagnes, trois blessures — venait donc d’obtenir sa pension de retraite, pas tout à fait deux mille francs, qui, joints aux deux cent cinquante francs de sa croix, le mettaient dans cet état de misère honorable que l’État réserve à ses anciens serviteurs.
Son entrée dans sa ville natale fut exempte de faste. Il arriva, un matin, sur l’impériale de la diligence, mâchonnant un cigare éteint et déjà lié avec le conducteur, à qui, pendant le trajet, il avait raconté le passage des fortes de Fer ; plein d’indulgence du reste pour les distractions de son auditeur, qui l’interrompait souvent par un blasphème ou par l’épithète de carcan adressée à la jument de droite. Quand la voiture s’arrêta, il lança sur le trottoir sa vieille valise, maculée d’étiquettes de chemins de fer, aussi nombreuses que les changements de garnison de son propriétaire ;