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et les souvenirs de son jeune âge ne lui retraçaient que des visages indignés de marchands qui lui montraient le poing du seuil de leur boutique, un catéchisme où on le menaçait de l’enfer, une école où on lui prédisait l’échafaud, et, enfin, son départ pour le régiment, hâté par une malédiction paternelle.

Car ce n’était pas un saint homme que le capitaine. Son ancienne feuille de punitions était noire de jours de salle de police infligés pour actes d’indiscipline, absences aux appels et tapages nocturnes dans les chambrées. Bien des fois on avait dû lui arracher ses galons de caporal et de sergent, et il lui avait fallu tout le hasard et toute la licence de la vie de campagne pour gagner enfin sa première épaulette. Dur et brave soldat, il avait passé presque toute sa vie en Algérie, s’étant engagé dans le temps où nos fantassins portaient le haut képi droit, les buffleteries blanches et la grosse giberne. Il avait eu Lamoricière pour commandant ; le duc de Nemours, près duquel il reçut sa première blessure, l’avait décoré, et, quand il était sergent-major, le père Bugeaud l’appelait par soit nom et lui tirait les oreilles. Il avait été prisonnier d’Abd-el-Kader, portait les traces d’un coup de