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de ses vieilles amies et la conduisit, avec nous, bien entendu, dans une misérable maison de la rue Rousselet. Nous entrâmes dans une chambre au carreau froid, mal éclairée par un châssis à tabatière, où il n’y avait qu’un lit de paysan et quelques chaises de paille. Pourtant, sur une vieille commode, une petite chapelle en plâtre, dont les fenêtres étaient garnies de verres de couleur, charma mon attention enfantine. Maman Nunu expliqua l’origine de ce singulier objet à sa camarade. Sous l’ancien régime, le jour de la Fête-Dieu, les enfants du peuple, comme ils font encore aujourd’hui, disposaient de petites chapelles aux portes des maisons ; mais ils n’avaient pas besoin d’importuner les passants pour leur arracher quelques sous : car, en ce temps-là, les personnes de qualité faisaient arrêter leurs voitures devant la petite chapelle, mettaient pied à terre, s’agenouillaient un instant et laissaient une large aumône. C’était ainsi que la mère Bernu, alors toute jeune fillette, avait vu descendre de son carrosse et prier devant cette chapelle de plâtre un vieux seigneur « très paré » qui, son oraison dite, lui avait souri et donné un louis d’or, le seul peut-être qu’elle eût touché de sa vie ; et ce seigneur n’était autre que