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grosse commère, déjà vieille, qui nous offrit des tartines d’excellent raisiné. Mais mon cerveau d’enfant ne voulut pas admettre cette réalité, et, même après cette visite, le nom prononcé de Madame Napoléon n’évoqua jamais dans ma pensée que l’image d’une radieuse impératrice.

Comme toutes les personnes âgées, la mère Bernu, dans ses entretiens du boulevard des Invalides, remontait volontiers vers ses plus lointains souvenirs. Elle avait dîné dans la rue, sur une table dressée devant sa maison, le jour de la Fédération ; elle avait vu passer Marie-Antoinette dans la charrette, « en camisole blanche » ; elle décrivait son fils aîné, le grenadier de la garde impériale, avec son grand bonnet à poils et ses hautes guêtres noires ; et j’entrevoyais, en l’écoutant, des drames confus et de vagues splendeurs. Hélas ! ce qu’elle se rappelait le mieux, c’étaient les réjouissances publiques dont le petit peuple a sa part : la fête de l’Empereur et les distributions de vin, le jour de la naissance du roi, où l’on jetait des cervelas à la foule.

Chose navrante – j’y songe aujourd’hui – que ce cours d’histoire contemporaine fait par une pauvresse !

Un jour, elle voulut montrer son logis à l’une