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du faubourg Saint-Germain, tout proche, et qui, dans la journée, se chauffaient sur les bancs au soleil. La mère Bernu prenait place auprès d’elles et faisait volontiers un bout de causette, tandis que, Marie et moi, nous nous accroupissions à ses pieds et jouions avec le sable.

Mais, si petit bonhomme que je fusse, j’avais déjà de l’imagination, et les récits que la mère Bernu faisait à ses simples compagnons m’intéressaient puissamment. Écoutée avec respect à cause de son grand âge, elle leur parlait souvent, comme d’une personne considérable et qui faisait honneur à sa famille, de sa fille, l’unique enfant qui lui restât, – car les autres, tous des garçons, avaient été tués pendant les guerres de l’Empire, – de sa fille qui tenait la loge d’un hôtel du faubourg Saint-Honoré, où son mari était cocher, et qui, par un hasard ironique, s’appelait Madame Napoléon. Ce nom de Madame Napoléon, qui revenait constamment dans les discours de la mère Bernu, exerçait sur moi une sorte de fascination, et je ne pouvais me figurer la concierge du faubourg Saint-Honoré que coiffée de la couronne et traînant le manteau impérial. Un jour, maman Nunu nous conduisit chez sa fille : c’était une