comme une pomme de conserve, où quelques poils blancs frisaient autour d’une bouche édentée. Elle était d’une propreté scrupuleuse, conservait les formes polies du peuple d’autrefois, et, ayant eu elle-même une nombreuse famille, s’entendait à merveille au gouvernement des bambins.
Maman Nunu nous emmenait donc, ma sœur Marie et moi, dans les avenues désertes qui rayonnent autour des Invalides. J’habite aujourd’hui de ce côté ; je suis revenu là, poussé par un irrésistible attrait ; car le Parisien est plus fidèle qu’on ne croit à ses souvenirs d’enfance et garde un sentiment attendri pour son quartier natal. Il y avait à cette époque, sur ces lointains boulevards, de magnifiques ormes qui ont été coupés pendant le siège, de vieux bancs de bois vermoulu, des fossés pleins d’herbe et des réverbères à potence datant du Paris révolutionnaire, des réverbères à pendre l’aristocrate. C’était un lieu mélancolique, presque agreste, très solitaire. On n’y rencontrait que de rares invalides, – ancien modèle, – avec l’habit bleu à pans retroussés et le grand tricorne à cocarde, porté en bataille, ou des pauvresses à cornettes de nonnes et à fichus croisés sur la poitrine, qui vivaient de la charité des hôtels et des couvents