du voisinage. Or j’étais alors un important personnage de six ans, désigné ordinairement par le sobriquet de « Cicis », un gamin maladif vêtu d’un petit caban de drap écossais, à carreaux blancs et rouges, chef-d’œuvre de l’industrie maternelle, dont j’étais très fier. Ma sœur Marie, bien que déjà elle se rendît utile à la maison, n’avait que trois ans de plus que moi, et d’aussi jeunes enfants avaient besoin d’exercice et de grand air.
Aussi, vers midi, la mère Bernu, une pauvre vieille du quartier, venait nous prendre tous les deux pour nous mener à la promenade. Elle déjeunait sur un coin de table et maman lui donnait dix sous. Avec cette petite ressource, les secours du bureau de bienfaisance et quelques autres aumônes peut-être, elle trouvait encore moyen de vivre ; et mes humbles, très humbles parents, qui, par des prodiges d’économie, conservaient dans la pauvreté un air de décence bourgeoise, devaient lui faire l’effet de puissants capitalistes.
Très âgée, avec un bonnet d’aïeule campagnarde d’une blancheur éclatante, une robe brune à petites fleurs et un châle vert toujours tiré à quatre épingles, « maman Nunu », comme nous la nommions, offrait un visage aux traits réguliers, ridé