Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t1, 1892.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lointains des Champs-Elysées, plongea derrière l’horizon, et soudain tout s’assombrit. En quelques secondes, les maisons et les monuments devinrent tristes et noirs comme s’ils avaient vieilli de cent ans ; les feuillages d’automne, dont tout à l’heure la cime brillait encore, prirent un funèbre ton de rouille ; le concert des oiseaux continua pendant une minute en s’affaiblissant, puis se tut ; un vent froid souffla du nord et traversa l’espace, pareil à un long soupir de regret.
Mais, en même temps, obéissant à la loi qui veut que tous les foyers qui s’éteignent jettent en mourant un plus brillant éclat, le soleil, déjà disparu, déploya, dans le coin du ciel où régnait encore son souvenir, toutes les magnificences du crépuscule ; et, là-bas, vers le pont de la Concorde, au-dessus de la rivière, se creusa dans l’horizon une grotte de pierreries qui faisait songer à l’entrée des souterrains où les despotes d’Asie enfouissent leurs trésors. Autour de ce foyer fulgurant, les nuages s’amoncelaient, variant sans cesse de nuances et de formes. D’abord ils s’étaient massés comme une chaîne de montagnes d’or ; puis, la cordillère s’était rompue, et un archipel d’îlots couleur de rubis nagea dans un océan d’un vert adorablement