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somme de deux francs, un exemplaire un peu piqué, mais très présentable encore, du Gaspard de la Nuit, d’Aloysius Bertrand, qui comblait la plus importante lacune de sa collection de romantiques ; puis, serrant tendrement sa trouvaille sous son bras, il avait continué son inspection jusqu’au pont Royal, où il arriva vers cinq heures. Il était un peu fatigué ; les tables rondes rangées devant le café d’Orsay l’invitèrent au repos. Il s’assit donc et se fit servir un verre de bière.
Alors il promena ses regards autour de lui ; l’heure était exquise. Là-bas, sur la gauche, dans l’azur pâle qu’il moirait de ses rayons, le soleil descendait majestueusement, jetant à l’admirable paysage de Paris son adieu doré. Le bouquet de platanes dont les branches se mêlent aux vergues de la Frégate, les sveltes peupliers qui ombragent les bains Vigier, et, plus loin, les marronniers touffus de la Terrasse du bord de l’eau, venaient de s’enflammer au long baiser du couchant, et leurs feuillages semblaient de cuivre et d’or. Un éclair pourpré jaillissait de toutes les fenêtres du pavillon des Tuileries, et la ligne harmonieuse et grise du vieux Louvre s’était baignée d’un reflet rose. Une lumière éblouissante et chaude frappait