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Je sortis de l’église encor plus attristé.

Les astres scintillaient, la nuit était sublime ;
Et, levant mes regards anxieux vers l’abîme
Où, lançant jusqu’à moi leurs sereines clartés,
Vibraient les milliards de mondes habités,
Je me sentis étreint par une horrible angoisse.
Hélas ! hélas ! au club comme dans la paroisse,

Venaient de m’apparaître, en ces quelques moments,
L’instinct et l’idéal dans leurs égarements,
Et le vieux désespoir de la pensée humaine.
Où donc est la loi vraie ? Où donc la foi certaine ?
Qu’espérer ? Que penser ? Que croire ? La raison
Se heurte et se meurtrit aux murs de sa prison.
Besoin inassouvi de notre âme impuissante,
Du monde où nous vivons la justice est absente.
Pas de milieu pour l’homme : esclave ou révolté.
Tout ce qu’on prend d’abord pour une vérité
Est comme ces beaux fruits des bords de la mer Morte,
Qui, lorsqu’un voyageur à sa bouche les porte,
Sont pleins de cendre noire et n’ont qu’un goût amer.
L’esprit est un vaisseau, le doute est une mer,
Mer sans borne et sans fond, où se perdent les sondes…
Et, devant le grand ciel nocturne où tous ces mondes