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A côté d’eux, parlant d’une voix lente et grasse,
L’orateur est debout près d’une contrebasse.

Que disait-il ?

                             Avec son accent faubourien,
Il disait que les uns ont tout, les autres rien,
Qu’on n’en a pas fini de l’antique esclavage,
Que c’est à regretter presque l’état sauvage,
Où le chef, le premier aux guerres comme aux jeux,
Est du moins le plus fort et le plus courageux.
Il montrait, dans sa simple et cruelle logique,
Le peuple condamné par un destin tragique,
Les inégalités debout comme autrefois,
La dureté des mœurs plus fortes que les lois,
Le richard ayant chaud près du pauvre qui gèle,
Et l’injustice à tous les degrés de l’échelle.
Il dénonçait, fermant son poing de révolté
Et scandant quelquefois son discours irrité
Du profond geignement de la bête qui souffre,
L’éternelle misère élargissant son gouffre,
Le tribut, qu’elle paie et voit toujours grossir,
De la chair à canon, de la chair à plaisir,
L’engrenage d’acier qui dévore et qui tue
Ceux que l’on fait soldats, celles qu’on prostitue,
Tout effort