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Et, râlant et fumant, dévore le terrain.
Le rythme s’est triplé de son galop d’airain.
Les longs trains endormis où de grands bœufs mugissent
Sont dépassés. Des murs disparaissent et glissent ;
Puis un désert de rails, plein de fanaux épars ;
Un tunnel ; le profil sévère des remparts ;
Puis les sombres tuyaux de l’extrême banlieue.
Enfin, à travers champs, dans la nuit pure et bleue,
La machine se rue aux horizons nouveaux.
Son énorme lanterne éclaire les pavots
Poussés dans le balast, parmi la pierre brune ;
Et, dans le ciel, la face humaine de la lune,
Ronde et blafarde, avec des regards singuliers,
Bondit éperdument sur les hauts peupliers.

Bien qu’en fureur et bien qu’ayant bu plus d’un verre,
Le mécanicien est tout à son affaire.
— Vieux monde sans espoir, injuste et compliqué,
C’est ainsi que tu vas ; et l’homme fatigué
Remplit sa fonction d’instinct, par habitude ! ―
Le rapide, à travers la claire solitude,
Vertigineusement roule, galope et fuit.
Il vomit de la flamme, et l’insecte de nuit
Dans le sillage ardent vient brûler son élytre.
Marc Lefort, attentif, calme, l’œil à la vitre,