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Dont le sens et l’honneur sont de solide étoffe ;
Et, sous l’acacia poudreux du cabaret,
Voici, mes bonnes gens, comment il discourait.

« On peut le dire ― allez ! monsieur ― sans hardiesse :
Le prolétaire n’a pas droit à la vieillesse.
Pour moi, certe, il aurait mieux valu, mais beaucoup,
Tomber d’une charpente et me rompre le cou.
Mais j’ai la guigne !… Et puis, je n’étais jamais ivre…
Se tuer ? Non. Les vieux veulent bêtement vivre ;
Et, pour gagner son pain, que n’accepterait-on ?
Moi, par mes écriteaux caché jusqu’au menton,
Annonçant un « amer » ou des tours d’acrobate,
Sur les trottoirs sans fin je vais, tirant la patte,
Par tous les temps, toujours debout, toujours dehors !
Les jambes, chaque soir, me rentrent dans le corps ;
La rosse à Collignon n’est pas plus éreintée.
Mais c’est trois francs par jour, la miche et la pâtée…
Et l’on vit, espérant qu’on crèvera demain,
Fier pourtant de n’avoir jamais tendu la main,
Mais ayant peur d’aller finir, bientôt peut-être,
En veste de gâteux, dans les cours de Bicêtre.
Oui, cent fois oui ! mourir d’accident vaudrait mieux :
Pour le pauvre ouvrier, défense d’être vieux.