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Tandis qu’il n’ose plus, le craintif orphelin,
Pousser un aviron ni nouer un grelin.
Il a promis, il veut obéir à sa mère,
Mais, lorsque le curé, refermant sa grammaire,
Lui dit : ― Va-t-en jouer ! et qu’il est libre enfin,
Troussé jusqu’aux genoux et sur le sable fin
Marchant pieds nus, il court bien vite vers la grève,
Et le fils du marin cherche à tromper son rêve.
Mais sentir l’âpre vent souffler dans ses cheveux
Et l’eau froide monter sur ses mollets nerveux,
Voir au loin le gros coup et la lame mauvaise
Éclater en couvrant d’écume la falaise,
Remplir tout un panier de crevettes, chercher
Quelque hideux homard tapi sous un rocher,
Ou saisir le lançon dans sa fuite rapide,
Cela ne suffit pas à l’enfant intrépide.
Non, son ardent désir, c’est le bateau mouvant
Avec sa voile ronde et ses deux focs au vent
Et le lest de galets humides qui le charge,
C’est la course au lointain horizon, c’est le large
Avec sa forte houle et son grand souffle amer,
C’est l’ivresse d’aller sur cette vaste mer,
Dont le parfum le grise et le rhythme l’attire…
Et voilà de longs mois que dure ce martyre !