Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t3, 1888.djvu/279

Cette page n’a pas encore été corrigée


Sentiment moins ardent, sensation moins vive ―
Soudain glace le cœur et fait douter qu’il vive…
C’est mon ancien regret, chère âme, et tu le sais !
Car bonheurs et chagrins de mes amours passés
Sont devenus des vers et j’en ai fait mon livre,
Misérable rêveur qui me regarde vivre.
Lorsque tu m’as choisi, tu savais bien, hélas !
Que ton bras s’appuyait sur un bras déjà las.

Quand, fixant sur mes yeux tes yeux d’esclave heureuse,
Tu me tendais la fleur de ta bouche amoureuse
« Laisse-moi seulement t’aimer ! » me disais-tu.
Et, j’en conviens, souvent mon cœur n’a pas battu,
Malgré tous mes baisers sur ton front incrédule.
Non ! il ne battait point, ― pareil à la pendule
Dont on a pour toujours arrêté le ressort,
Dans la chambre funèbre où quelque prince est mort. ―
Que j’ai souffert alors de ne pouvoir te rendre
qu’un goût sentimental, qu’un peu d’amitié tendre !
Mais j’ai voulu t’aimer, parce que tu m’aimais.
Aujourd’hui, chère enfant, viens dans mes bras, et mets,
Mets ton front sur mon cœur… Tu l’entends ?… Il palpite ! ―
Lentement, lentement, mais chaque jour plus vite,
Ainsi qu’un voyageur par l’espoir soutenu,
Le lointain exilé, l’absent, est revenu.
Mon octobre frileux donne son chrysanthème.