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Quelle minute !…

                              Un cri nous appelle soudain.
Le déjeuner ! On est servi dans le jardin,
Sous la tonnelle basse, auprès du jeu de boules.
On court se mettre à table en effarant les poules.
Victoire encor ! Rien n’a changé ! Tout est pareil !
Voici le gai vin blanc qu’il faut boire au soleil
Et dont la courte ivresse en rires se dissipe,
Le lourd couvert d’étain et de terre de pipe
Dont un joyeux rayon fait vibrer les couleurs,
Et des cerneaux tout frais dans une assiette à fleurs.

… Puisque après ce repas nous faisons une pause
Et que mon verre est plein, effeuilles-y la rose,
Ma chère, que tu fais tourner entre tes doigts ;
Car je veux boire au nid de nos amours ! Je bois
Au clocher du village, orné d’un coq de fonte,
Qui depuis cinq printemps, ― à mon âge, on les compte, ―
Le long des jeunes blés, pleins d’oiseaux et de chants,
Nous a vus tant de fois faire un bouquet des champs.
Je bois aux toits moussus où, comme nous fidèles,
Reviennent, chaque été, les bonnes hirondelles.
Je bois aux verts fourrés de ronce et de genêt
Où l’écho semble aimer ta voix qu’il reconnaît.