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Mon regard les suivait ; et, pour leur nuit trop brève,
Je n’ai pas souhaité l’illusion du rêve,
— Au matin, leur malheur en eût été plus fort,
Mais un sommeil profond et semblable à la mort !
Car dormir, c’est l’instant de calme dans l’orage ;
Dormir, c’est le repos d’où renaît le courage,
Ou c’est l’oubli du moins pour qui n’a plus d’espoir.
Vous souffrirez demain, femmes. Dormez, ce soir !

Oh ! naguère, combien d’existences fatales
Erraient sur le pavé maudit des capitales,
Sans jamais s’arrêter un instant pour dormir !
Car la loi, cette loi dure à faire frémir,
Défend que sous le ciel de Dieu le pauvre dorme !
Triste femme égarée en ce Paris énorme,
Qui sors de l’hôpital, ton mal étant fini,
Et qui n’as pas d’argent pour sonner au garni,
Il est minuit ! Va-t’en par le désert des rues !
Sous le gaz qui te suit de ses lumières crues,
Spectre rasant les murs et qui gémis tout bas,
Marche droit devant toi, marche en pressant le pas !
C’est l’hiver ! et tes pleurs se glacent sur ta joue.
Marche dans le brouillard et marche dans la boue !
Marche jusqu’au soleil levant, jusqu’à demain,