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Car on veut ignorer, en lui rendant service,
Si son nom est misère ou si son nom est vice,
Et, dans ce lieu, devant tous les malheurs humains,
On sait fermer les yeux autant qu’ouvrir les mains.

J’ai vu. J’ai pénétré dans la salle commune
Où, muettes, le dos courbé par l’infortune,
Leur morne front chargé de pensers absorbants,
Les femmes attendaient, assises sur des bancs.
Que de chagrins poignants, que d’angoisses profondes
Torturent dans le cœur ces pauvres vagabondes,
Dont plusieurs même, avec un doux geste honteux,
Étreignent un petit enfant, quelquefois deux !
On m’a dit ce qu’étaient ces pauvres délaissées :
Ouvrières sans pain, domestiques chassées,
Et les femmes qu’un jour le mari laisse là,
Et les vieilles que l’âge accable, et celles-là,
Dont la misère est triste entre les plus amères,
Les victimes d’amour, hélas ! les filles-mères
Qui, songeant à l’enfant resté dans l’hôpital,
Soutiennent de la main le sein qui leur fait mal.
J’ai vu cela. J’ai vu ces pauvresses livides
Manger la soupe avec des sifflements avides,
Puis, lourdes de fatigue et d’un pas affaibli,
Monter vers ce dortoir, tous les soirs si rempli.