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Et faire très basse sa voix,
Devant les écoliers, palpitant d’espérance,
Il déroule, en parlant du cher pays de France,
La vieille carte d’autrefois.

J’entends une chanson qui n’est pas allemande,
Chez ce cabaretier qu’on mettrait à l’amende
Si quelque patrouille passait ;
Et voilà des volets qu’on ferait bien de clore,
Si l’on veut conserver ce haillon tricolore
Que tout à l’heure on embrassait.

J’entends un cri d’horreur s’échapper de la bouche
Du paysan lorrain qui s’arrête, farouche,
En découvrant dans son sillon
Une tête de mort à l’effroyable rire,
Et ramasse un bouton tout rouillé, pour y lire
Le numéro d’un bataillon.

La prière de l’humble enfant qui s’agenouille,
Le soupir de la vierge auprès de sa quenouille,
Et les sanglots intermittents
Des vieux parents en deuil et de la pauvre veuve,
Toutes ces faibles voix gémissant dans l’épreuve,
Je les entends, je les entends !