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Un magnat, tout couvert de fourrure et d’acier,
Portant l’aigrette blanche à son bonnet princier.
Le vieil homme l’emporte en sanglotant de joie,
On habille l’enfant de velours et de soie ;
Il couche sur la plume et mange dans de l’or.
Quand il rentre au château, le nain sonne du cor,
Et, monté comme lui sur un genêt d’Espagne,
Un antique écuyer balafré l’accompagne.
Un clerc, très patient, lui donne des leçons.
Son père, en son fauteuil tout chargé d’écussons,
L’attire quelquefois tendrement, puis se penche
Et longtemps le caresse avec sa barbe blanche.
Des femmes, dont les yeux sont doux comme les mains,
Baisent son front hâlé par le vent des chemins
Et détachent pour lui le bijou qui l’occupe,
Ne sachant pas qu’il sent leurs genoux sous la jupe
Et qu’au pays bohème où l’enfant voyagea,
Avant d’avoir quinze ans, on est homme déjà.
Mais ni les beaux habits, ni les tables chargées
De gâteaux délicats, de fruits et de dragées,
Ni le vieil écuyer qui lui dit ses combats,
Ni les propos du clerc qui le flatte tout bas,
Ni les doux oreillers de la profonde alcôve,
Ni le palefroi blanc harnaché de cuir fauve,
Ni les jeux féminins qui font bouillir son sang,