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Moi, pendant la minute où le bateau coula
En tournant sur lui-même avec un air stupide,
Je revis mon passé dans un éclair rapide ;
Oui, tout, notre vieux port, ses mâts et son clocher,
Et la plage où j’allais, pieds nus, sur le rocher,
Et le sable semé de méduses vermeilles…

Brusquement, l’eau m’emplit la bouche et les oreilles.
Je n’aurais pas été longtemps à patauger
Et j’allais m’engloutir, ne sachant pas nager,
Lorsque Black me saisit au collet par la gueule.
Justement la chaloupe avait surnagé seule ;
Elle était près de nous ; le chien, d’un brave effort,
Me pousse jusque-là ; j’en empoigne le bord
Et je saute dedans avec la bonne bête !
Quant à notre trois-mâts, l’effroyable tempête
N’en avait épargné que le mousse et son chien,
Dans ce canot sans mâts, sans avirons, sans rien !
Quoique gamin, j’avais le cœur plein de courage ;
Mais, deux heures après, quand se calma l’orage,
Je compris, en songeant à mon sort froidement,
Qu’à moins de rencontrer en mer un bâtiment,
Je ne parviendrais pas à regagner la terre.
J’étais seul sur le vaste océan solitaire,
Et nous n’étions sauvés de la noyade enfin,