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Et, creusant son sillon, il murmurait :
                                                   « O Terre !
La vie est une énigme, et la mort un mystère.
Mais toi, dont les épis balancés par les vents
Sont engraissés des morts pour nourrir les vivants,
O toi, mère du cèdre et de la graminée,
Tu dois savoir le mot de notre destinée.
Sur ce problème, auquel en vain j’ai réfléchi,
Réponds-moi donc. Je suis Kang-Hi, fils de Chun-Tchi ;
Et mon bras a vaincu le Thibet et Formose ;
Et je suis grand parmi les plus grands, sans qu’on m’ose
Adresser la parole en élevant la voix
Avant d’avoir frappé du front le sol neuf fois ;
Je suis le maître, à qui toute chose est permise ;
Pourtant mon cœur est humble et mon âme est soumise,
Et je n’ai pas l’orgueil que mes aïeux ont eu.
Pour grandir en sagesse et pour croître en vertu,
J’ai fait graver, fidèle aux antiques usages,
Aux murs de mon palais les sentences des sages,
Tel qu’un jeune homme suit les conseils d’un barbon.
Je hais les courtisans, et, si j’étais moins bon,
Je voudrais ordonner qu’on leur coupât la langue.
Je suis doux : je défends, sous peine de la cangue,
De noyer les enfants du sexe féminin.
Je suis subtil : je sais greffer un pommier nain