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Pensive, elle jetait sur l’onde en soupirant
Des branches de lotus qu’emportait le courant,
Et vers le voyageur loin de sa fiancée
Elle laissait aller ses fleurs et sa pensée,
Comme un gage naïf de sa fidélité.

La barque que montait Sangor ayant jeté
L’ancre devant Palna, sur la droite du Gange,
Où le patron du bord opérait un échange,
Les marins parias, sans être remarqués,
Se promenaient un jour, en oisifs, sur les quais.
Noirs et nus, les reins ceints du langouti de toile,
Ils voyaient les légers bateaux mettre à la voile,
Et dans l’intense azur, sur la ville aux cent tours,
Tournoyer lourdement un vol noir de vautours,
Quand soudain, effrayant la foule qu’il disperse,
Un chien plein de fureur, un lévrier de Perse,
Se jette sur Sangor et veut mordre l’Indou.
Celui-ci, qui tenait à la main un bambou,
Lève instinctivement l’arme qui le protège,
Sans entendre venir un somptueux cortège
Dans un bourdonnement de gong et de tambour.
C’était Surroo-Sahib, rajah de Dinapour,
Qui, de son palanquin, voyait, pâle de rage,
Un paria maudit lui faire cet outrage