Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t2, 1892.djvu/239

Cette page n’a pas encore été corrigée

Comme un noble étalon irrité par un taon,
Ayant toujours au cœur ce désir, le sultan
Savait que les soldats lui seraient nécessaires,
Et souvent il jetait de l’or aux janissaires.
Mais ceux-ci, par la paix trop longue corrompus,
N’étaient jamais assez abreuvés ni repus,
Et réclamaient de lui toujours plus de largesse ;
Si bien que Mahomet, dans sa haute sagesse,
De leur plainte vénale un jour se fatigua.
Furieux, il avait souffleté leur aga,
Et s’était enfermé dans son harem de Brousse.
Comme la soldatesque aisément se courrouce,
Bientôt l’émeute, avec ses cris et ses sifflets,
S’agita sourdement autour du vieux palais
Qui demeurait toujours clos, muet et terrible.
Devant le mur roussi que l’ardent soleil crible,
La foule des soldats mutins, qu’on reconnaît
À la cuiller de bois pendue à leur bonnet,
Se rassemble et s’indigne en tumultueux groupes.
Car on a répandu ce bruit parmi les troupes
Que celui qui les traite avec tant de dédain,
Dans un kiosk enfoui sous l’ombre d’un jardin
Où, même en plein midi, le jour à peine filtre,
Accablé de langueur et charmé par un philtre,