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Fleur délicate éclose en cette époque affreuse,
Thécla, dès sa première enfance, avait été
Un modèle d’ardente et douce charité.
Au ciel noir de ce temps on voyait cette étoile.
Noble et belle, elle avait à vingt ans pris le voile
Et portait le bâton pastoral et l’anneau,
Comme saint Dominique et comme saint Bruno.
Trouvant toute faiblesse aux autres naturelle,
Elle n’était jamais assez dure pour elle,
Voulait qu’on l’éveillât dans son premier sommeil
Et portait sur la chair un cilice pareil
À la robe de crin des vieux anachorètes.
Mais ces austérités, qu’elle tenait secrètes
Et que lui reprochait parfois son confesseur,
N’altéraient point l’exquise et charmante douceur
De son commandement sur ses bénédictines.
Goûtant la poésie et les lettres latines,
Elle expliquait le sens des textes les moins clairs,
Au grand étonnement des lettrés et des clercs ;
Mais l’abbesse était bonne encor plus que savante,
Des pauvres elle était la très humble servante
Et parfois, dans la rue, embrassait un lépreux.
Elle avait accompli des miracles nombreux.
Un jour, au lever-Dieu, devant tous les fidèles,
Elle avait imposé silence aux hirondelles