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Or, à l’heure torride où le soleil accable
Les chameaux et les fait se coucher dans le sable,
Accroupis et brisés sur leurs rugueux genoux,
Mohammed, en sueur sous le poids du burnous,
Vit, près de lui, s’ouvrir une caverne sombre ;
Et, tenté par le calme et la fraîcheur de l’ombre,
Celui qui fut plus tard le Prophète et l’Émir
Dans ce trou de lion se coucha pour dormir ;
Et, lorsqu’ayant posé sous sa tête une pierre,
Il allait sommeiller et fermait la paupière,
Une énorme araignée, au ventre froid et gras,
Glissa de son long fil et courut sur son bras.
Brusquement mis sur pieds d un bond involontaire,
Mohammed rejeta l’insecte immonde à terre,
Et, frissonnant, sans lui laisser le temps de fuir,
Leva pour l’écraser sa sandale de cuir.
Mais soudain il songea que, puisque Dieu la crée,
La bête la plus laide est utile et sacrée,
Et que l’homme, déjà trop plein de cruauté,
Ne doit la mettre à mort que par nécessité ;
Et, clément, il laissa partir l’horrible bête.

Depuis lors bien du temps a passé.

                                                  Le Prophète