Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t2, 1892.djvu/195

Cette page n’a pas encore été corrigée

Je te brave. Peux-tu me faire mal, après
Que tu m’as dérobé le fils que j’adorais ?
Va ! Que ta foudre éclate et que ta grêle tombe,
Dieu cruel, qui couchas mon enfant dans la tombe !
Commets cette injustice encore, Dieu trompeur !
Je resterai debout. Tu ne me fais pas peur ! »

Le nuage passa ; car Jéhovah lui-même,
En voyant la douleur, eut pitié du blasphème ;
Et l’orage plana sur le champ de Sidon.

Celui-ci, se jetant à genoux, dit :
                                              « Pardon.
Dieu d’équité, pardon ! Épargne ma récolte !
Jamais je ne me plains ni je ne me révolte ;
Toujours, devant ta face auguste, j’ai tremblé ;
Et tu protégeras mon raisin et mon blé.
Depuis le temps déjà lointain où j’étais jeune,
Je dis fidèlement ma prière et je jeûne ;
Tu dois m’en savoir gré. Souvent sur ton autel,
Seigneur, Dieu Tout-Puissant, l’Unique et l’Immortel,
Ma main a répandu le sang de mes génisses.
Je n’ai point fait de mal, pour que tu me punisses.
Ne me laisse donc pas te supplier en vain,
Roi du ciel, et défends ma farine et mon vin ! »