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Passa devant la lune, et tout devint obscur.
Pourtant l’air était calme, et, dans le sombre azur
Où les sept diamants épars de la Grande Ourse
Vers le ’septentrion accomplissaient leur çoursc,
Régnait tant de silence et de sérénité
Qu’on aurait pu se croire en une nuit d’été.
Mais tout à coup, ainsi qu’au début d’un orage,
Le poète sentit sur sa main sans courage
Où Suzanne laissait la sienne, doux fardeau,
Tomber une brûlante et lourde goutte d’eau.

Fuis, malheureux ! Le temps est long, le monde est vaste.
Fuis ! Et pour oublier l’heure à jamais néfaste
Où naquit dans ton sein le remords étouffant
D’avoir troublé la paix de cette pure enfant,
Insensé, plonge-toi dans toutes les ivresses !
Pars ! change de climat et change de maîtresses ;
Le secret d’oublier que tous veulent en vain,
Cherche-le dans l’amour, dans le jeu, dans le vin ;
Tâche de t’étourdir enfin, et cours le monde.
Dans le flot des cheveux dénoués d’une blonde
Tu pourras rafraîchir parfois ton front pâmé,
En respirant cet or fluide et parfumé ;
Assis au tapis vert d’où la dame de pique
Darde sur le joueur son œil microscopique,