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Oubliez-moi ! Cela vaut mieux. Mon amitié
Ne peut pas dans votre âme encor presque enfantine
Avoir déjà poussé tellement sa racine
Que vous deviez beaucoup souffrir en l’arrachant,
Comme une mauvaise herbe éclose dans un champ.
Faites-le, vous disant que cette herbe sauvage
Aurait dans votre cœur fait un mortel ravage.
Perdez tout sentiment pour moi, sans nul regret,
Et même maudissez celui qui l’inspirait.
Dites-vous que je suis un ingrat, un frivole,
Que je quitte ce toit comme l’oiseau s’envole
De l’arbre où tout l’été s’est abrité son nid.
La raison qui bien loin de vos yeux me bannit,
Suzanne, ne cherchez jamais à la comprendre.
Pour moi ne conservez rien de bon, rien de tendre ;
Et si mon souvenir persiste, oui, s’il le faut,
Pauvre enfant, que ce soit de la haine plutôt !
Car si j’avais troublé votre exquise innocence,
Si vous deviez souffrir demain de mon absence
Et ne pas m’oublier comme on oublie un mort,
Ce serait dans ma vie un éternel remord.
Adieu ! Je ne puis pas en dire davantage. »

Il la tenait toujours par la main.
                                                   Un nuage