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Parce que plus d’un front de folle ou de coquette
S’est caché dans mon sein d’un air tendre et honteux,
M’eût-elle aimé ? Pourquoi ? Pour mes lauriers douteux ?
Pour ma gloire d’un jour ? Pour ce nom de poète ?
Qui sait ? J’aurais été peut-être son martyr ?
Peut-être se fût-elle à quelque autre donnée ?
Peut-être, un beau matin de sa vingtième année,
L’aurais-je vue, au bras d’un jeune homme, partir ?
Elle heureuse par lui, lui tout enivré d’elle,
Je les aurais vus fuir dans leur rêve enchanté,
Ainsi qu’un conquérant par un fleuve arrêté
Voit deux libres oiseaux le franchir d’un coup d’aile !
— Elle, m’aimer ! Qui sait si même elle y songea ?
Mon départ ne saurait troubler son âme blanche.
A peine voyons-nous tressaillir une branche,
Lorsque vient de tomber le nid qui s’y logea.
L’oubli suivra l’adieu. Du miroir de ses rêves
Mon nom s’effacera sans rien laisser d’amer,
Tel que ces pas empreints des pêcheurs que la mer
Efface chaque jour sur le sable des grèves.