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Et l’on claque du fouet, et l’on entre au grand trot,
Effarant devant soi la fuite d’une poule.
On arrive. Au milieu du bruit et de la foule,
Le voyageur joyeux saute sur le pavé,
Et, du premier coup d’œil, voilà qu’il a trouvé
Des visages connus autrefois, et qu’il serre,
En riant de bon cœur, plus d’une main sincère.

« Comment, c’est lui ?
                                ― C’est moi.

                                                      ― Te voilà ?
                                                                               ― Pour longtemps. »
Et l’on retrouve alors des amis de vingt ans.
Le sabotier du coin qui sort de sa boutique
Et vous embrasse avec une barbe qui pique,
C’est le fils du voisin avec qui vous alliez
A l’école ; et l’on rit comme des écoliers :
« Monsieur ! ― Dis donc mon nom tout court, vieux Boniface ! »
Et le maître charron, du charbon plein la face,
A qui l’on tend la main, mais qui, pour la broyer
Plus proprement, s’essuie après son tablier,
C’est à côté de lui qu’on chantait à l’église.

A moins d’être un sans-cœur, la minute est exquise ;