Or la misère redoublait,
Et Gottlob devenait centenaire. Il semblait
Qu’on ne dût jamais voir la fin de ce supplice.
Les vieilles lui donnaient le diable pour complice ;
Et tous désespéraient, et l’on criait merci.
Enfin il était mort ; c’était bien sûr. Aussi,
Comme les petits nids des forêts sont en joie
Quand la tempête emporte un vol d’oiseaux de proie,
Le bon peuple à grands cris saluait ce départ
En allumant des feux de nuit sur le rempart,
Comme à Noël, après le temps des pénitences ;
Et les manants dansaient en rond sous les potences.
Dans le château fermé, prêtant l’oreille aux bruits
Du lointain apportés par la brise des nuits,
Les soldats, inquiets, veillaient aux meurtrières ;
Et près du mort un moine était seul en prières.
Assis dans un fauteuil de cuir, il rêvait, seul,
Observant sur le corps le dessin du linceul
Que rougissaient un cierge à droite, un cierge à gauche,
Et comparant ce lit funéraire à l’ébauche
Du marbre qu’on allait tailler pour le tombeau ;
Ou, quand l’air plus glacé ravivait un flambeau
Et détournait ainsi sa vague rêverie,
Il regardait dans l’ombre une tapisserie
Obscure où se tordaient confus des cavaliers ;
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