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Ont pris leur vol ; ils n’ont plus besoin de défense ;
Et voici, que les vieux, dans leur seconde enfance,
N’ont même plus, hélas ! ce suprême jouet.

Elles pourraient encor bien tourner le rouet ;
Mais sur leurs yeux pâlis le temps a mis son voile ;
Leurs maigres doigts sont las de filer de la toile ;
Car de ces mêmes mains, que le temps fait pâlir,
Elles ont déjà dû souvent ensevelir
Des chers défunts la froide et lugubre dépouille
Avec ce même lin filé par leur quenouille.

Mais ni la pauvreté constante, ni la mort
Des troupeaux, ni le fils aîné tombant au sort,
Ni la famine après les mauvaises récoltes,
Ni les travaux subis sans cris et sans révoltes,
Ni la fille, servante au loin, qui n’écrit pas,
Ni les mille tourments qui font pleurer tout bas,
En cachette, la nuit, les craintives aïeules,
Ni la foudre du ciel incendiant les meules,
Ni tout ce qui leur parle encore du passé
Dans l’étroit cimetière à l’église adossé
Où vont jouer les blonds enfants après l’école,
Et qui cache, parmi l’herbe et la vigne folle,
Plus d’une croix de bois qu’elles connaissent bien,