Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t1, 1885.djvu/316

Cette page n’a pas encore été corrigée

Il saignait, il criait. Je ne crois pas qu’on puisse
Voir cela sans horreur, et chacun étouffait ;
Mais nos vieux officiers prétendent qu’on s’y fait.
On nous a portés tous à l’ordre de l’armée.
Moi, j’ai tiré des coups de feu dans la fumée
Et j’ai marché toujours en avant, sans rien voir.
Enfin on a sonné la retraite, et, le soir,
Un vieux, au képi d’or, qui tordait sa barbiche
Et qui de compliments paraît être assez chiche,
Nous a dit : « Nom de nom ! mes enfants, c’est très-bien ! »
Et quoiqu’il blasphémât, c’est vrai, comme un païen,
Et qu’il lançât sur nous un regard diabolique,
Nous avons tous crié : « Vive la République ! »
— Ce mot-là, c’est toujours du français, n’est-ce pas ? –
Quelques-uns d’entre nous se plaignent bien tout bas
Et sont, avec raison, mécontents qu’on ricane
De notre vieil abbé qui trousse sa soutane,
Marche à côté de nous droit au-devant du feu
Et parle à nos blessés du pays et de Dieu ;
Mais aux mauvais railleurs nous faisons la promesse
De bien montrer comment on meurt, après la messe.
— Nous avons traversé Paris. Il m’a fait peur.
Puis nous l’avons trouvé dans la grande stupeur,
Sombre et lisant tout haut des journaux dans les rues.
Huit jours les habitants logèrent les recrues.