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Les grands feux dans les bois et les nuits sans repos
Où l’on voit scintiller, autour de ses troupeaux,
Dans l’ombre, les yeux d’or des jaguars et des onces ;
C’est la bêche tranchant les serpents et les ronces ;
— Enfin, comme un bonheur qu’on n’ose pas prévoir,
Et si Dieu plus clément daigne un jour s’émouvoir
Des cantiques chantés en chœur sous les étoiles,
C’est, après le sommeil frileux entre deux toiles
Et les maigres soupers de lard et de biscuits,
La famille restée encore entière, et puis
De gais et longs repas, par les soirs de dimanches,
Devant une moisson, près d’un logis de planches.

Pour l’instant, du trop long voyage tout meurtris,
Dans cette gare, en haut d’un faubourg de Paris,
Ils attendent, muets du regret qui les navre,
Le convoi qui les doit jeter aux quais du Havre
Comme on n’a pas pour eux allumé de quinquets,
On croit qu’ils dorment tous, penchés sur leurs paquets,
Dans la salle aux longs bancs, sombre comme une geôle.
Mais l’époux qui soutient, lasse sur son épaule,
Une tête de femme où sont clos de doux yeux,
Promène autour de lui des regards anxieux ;
Mais la mère est en proie aux présages funèbres,
Qui cache sous ses mains jointes, dans les ténèbres,