Au lavoir plein du bruit des linges que l’on bat,
Oh ! qu’il doit se livrer un lugubre combat
Dans leurs âmes déjà se sentant orphelines,
Tandis qu’ils voient grandir ces lointaines collines
Où naguère pour eux le monde finissait,
Et qu’ils songent avec amertume que c’est
La terre maternelle et dont vécut leur race,
La terre qui devient marâtre et qui les chasse !
Encor si l’avenir était riant pour eux,
Et s’ils étaient certains d’un lendemain heureux !
Mais ils n’ont presque pas d’espoir qui les soutienne.
L’Amérique n’est plus cette jeune Indienne
Souriante en son île au milieu des roseaux
Et couronnant son front de plumages d’oiseaux,
Telle qu’ils l’ont rêvée autrefois, à l’école.
Pour eux, durs ouvriers du labeur agricole,
Ce qu’ils comptent trouver là-bas, c’est seulement
La forêt monstrueuse au noir tressaillement,
Où, rampant et glissant, la hideuse famille
De la nature vierge et féroce fourmille ;
C’est la bataille avec la hache, avec le pic,
Contre les troncs noueux et les rochers à pic ;
C’est le miasme lourd du terrain noir et riche
Qu’en grelottant de fièvre, avec rage, on défriche ;
Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t1, 1885.djvu/290
Cette page n’a pas encore été corrigée