Pleurant auprès du lit d’un père sans vergogne
Qui n’entend pas et dort son lourd sommeil d’ivrogne.
Elle prit le petit, qui but avidement.
La mère souriait. – Le père, en ce moment,
Survint et fit la moue en sentant l’atmosphère
De la chambre. – Il sortait… pour cette grosse affaire !..
Des dossiers sous le bras, en noir, un air subtil.
— Ah ! voici cette femme. Elle est fort bien, dit-il.
Mariée ? – Il parait. – Et son pays ? – Normande,
Près de Caen. – Permettez, chère, cette demande :
Le docteur n’est-il pas pour celles du Midi ?
— Croyez-vous ? – Puis, riant de son rire étourdi,
La mère dit : – Pour peu que cela vous convienne,
Elle est brune, je vais la mettre en Arlésienne,
Le costume est joli ; puis c’est la mode au Bois.
Le père eut un léger sarcasme dans la voix,
Et, s’en allant : – Fort bien. Amusez-vous, ma chère.
Comme elle sentait bien qu’elle était étrangère
Et qu’elle allait souffrir dans ce monde nouveau !
Son nourrisson n’était ni bien portant ni beau.
C’était un pâle enfant, pauvre vie éphémère !
Pauvre front condamné ! C’est au bal que sa mère,
Dans une valse, avait reconnu son état.
Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t1, 1885.djvu/245
Cette page n’a pas encore été corrigée