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Un malin, un coureur de bals, qui, sur les tempes,
Comme une fille, avait deux gros accroche-cœurs.
Il ricanait, fixant sur moi ses yeux moqueurs :
Et les autres gardaient un si profond silence
Que j’entendais mon cœur battre avec violence.
 
Tout à coup j’étreignis dans mes deux mains mon front
Et m’écriai :
 
                             « Ma femme et mes deux fils mourront.
Soit ! Et je n’irai pas travailler. ― Mais je jure
Que, toi, tu me rendras raison de cette injure,
Et que nous nous battrons, tout comme des bourgeois.
Mon heure ? Sur-le-champ. ― Mon arme ? J’ai le choix ;
Et, parbleu ! ce sera le lourd marteau d’enclume,
Plus léger pour nos bras que l’épée ou la plume ;
Et vous, les compagnons, vous serez les témoins.
Or çà, faites le cercle et cherchez dans les coins
Deux de ces bons frappeurs de fer couverts de rouille.
Et toi, vil insulteur de vieux, allons ! dépouille
Ta blouse et ta chemise, et crache dans ta main. »
Farouche et me frayant des coudes un chemin
Parmi les ouvriers, dans un coin des murailles
Je choisis deux marteaux sur un tas de ferraille