Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t1, 1885.djvu/218

Cette page n’a pas encore été corrigée

Mon bataillon suivait une ruelle étroite.
Je marchais, observant les toits à gauche, à droite,
A mon rang de sergent, avec les voltigeurs,
Et je voyais au ciel de subites rougeurs
Haletantes ainsi qu’une haleine de forge.
On entendait des cris de femmes qu’on égorge,
Au loin, dans le funèbre et sourd bourdonnement.
Il fallait enjamber des morts à tout moment.
Nos hommes se baissaient pour entrer dans les bouges,
Puis en sortaient avec leurs baïonnettes rouges,
Et du sang de leurs mains faisaient des croix au mur,
Car dans ces défilés il fallait être sûr
De ne pas oublier un ennemi derrière.
Nous allions sans tambour et sans marche guerrière.
Nos officiers étaient pensifs. Les vétérans,
Inquiets, se serraient des coudes dans les rangs
Et se sentaient le cœur faible d’une recrue.

Tout à coup, au détour d’une petite rue,
On nous crie en français : « À l’aide ! » En quelques bonds
Nous joignons nos amis en danger et tombons
Au milieu d’une belle et grave compagnie
De grenadiers chassés avec ignominie
Du parvis d’un couvent seulement défendu
Par vingt moines, démons noirs au crâne tondu.