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Et s’approchant, avec un bon geste de sœur :
« Ne parlez pas ainsi, » dit-elle avec douceur ;
Puis elle prit les mains du soldat, sans rien dire,
Et tous deux, essayant un douloureux sourire,
Écoutèrent au loin mourir le chant des nids.

Alors ― mystérieux témoin, je te bénis,
Amour, consolateur dernier des misérables,
Je vous bénis, ô nuit, ô rameaux vénérables
Qui les cachiez, pendant qu’ils oubliaient un peu !
En silence, les mains froides, la tête en feu,
Ils virent dans l’azur les étoiles éclore,
Puis longtemps et tout bas échangèrent encore,
Heureux et confiants, l’un près de l’autre assis,
Leurs modestes espoirs et leurs humbles soucis.
Le murmure des voix, plus craintif et plus tendre,
S’affaiblit ; et, bientôt après, je pus entendre
— Car l’ombre m’empêchait de voir les deux amis ―
Un baiser, qu’un soupir d’abord avait promis,
Vibrer, pareil au bruit d’un oiseau qui s’effare.
Tout à coup une claire et brutale fanfare
Éclata dans la nuit profonde du jardin.
Le soldat inquiet se releva soudain :
Il fallait se quitter, car c’était la retraite.
Oh ! le triste moment d’un départ qui s’apprête !