C’était le soir ; c’était l’heure où les amoureux,
Moins timides, tout bas osent se faire entre eux
Les tendres questions et les douces réponses.
Le couchant empourprait le front noir des quinconces ;
Lentement descendait l’ombre, comme à dessein ;
Le vent, déjà plus frais, ridait l’eau du bassin
Où tremblait un beau ciel vert et moiré de rose ;
Tout s’apaisait. C’était cette adorable chose :
Une fin de beau jour à la fin de l’été.
Et, n’ayant rien de mieux à faire, j’écoutai.
Tous deux dirent d’abord le plaisir qu’on éprouve
A parler du passé, comment on se retrouve
Si loin, bien qu’étant nés dans un petit pays,
Leur enfance commune, et les parents vieillis
Dont on est inquiet, sans trop oser le dire
Dans ses lettres, les vieux ne sachant pas écrire
Et ne pouvant payer la plume du bedeau.
Ils dirent la rivière ombreuse, le rideau
De peupliers, l’endroit pour pêcher à la ligne
Caché sous le houblon et sous la folle vigne,
Le cerisier qu’ensemble ils avaient dépouillé,
Le vieux bateau, rempli de feuillage mouillé,
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