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                            Venez plus près, je n’y vois plus.
Le ciel et l’Océan sont noirs comme l’ébène.
Ce que je vous ai dit vous a fait de la peine
Tout à l’heure. Il faudra tâcher de l’oublier.
Pères, j’ai maintenant un rêve singulier.
Est-ce un rêve ? Prenez mes deux mains dans les vôtres.
Les astres dans la mer les uns après les autres
Sont tous tombés, tombés ! Et dans le ciel en deuil,
Ainsi qu’un christ d’argent sur le drap d’un cercueil,
Il n’en reste plus qu’un. Vous devez le connaître,
Celui-là ; car il brille au haut de ma fenêtre,
Le soir, et je le vois de mon cher petit lit ;
Et c’est le seul qui reste au ciel. Mais il pâlit !
Il a l’air aussi d’être attiré par le gouffre.
On dirait qu’il s’éteint et l’on dirait qu’il souffre.
Regardez ! le voilà qui file, qui s’enfuit !…
Il est tombé !… J’ai froid, j’ai peur !… Et c’est la nuit ! »

En prononçant ce mot, ― c’était le mot suprême ! ―
Le petit Angelus s’affaissa sur lui-même.
Sa bouche ouverte et l’orbe éteint de ses grands yeux
S’emplirent d’un effroi vague et mystérieux.
Les vieillards, égarés et crispant la narine,
Virent son front trop lourd tomber sur sa poitrine,
Et ses petites mains, qu’ils lâchèrent alors,