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Il cherchait vaguement, comme on cherche un appui,
Les mains des deux vieillards, assis auprès de lui.
Mais ceux-ci ne pouvaient deviner sa souffrance :
Leurs cœurs simples étaient toujours pleins d’espérance ;
Et, pensant qu’Angelus ne les entendait pas,
Avec un bon sourire ils échangeaient tout bas
Les décevants projets et les douces chimères,
Comme auprès des berceaux en évoquent les mères.

« Puisque voilà l’enfant près de nous endormi,
Disait le prêtre, il faut songer, mon bon ami,
Que, pour qu’il soit heureux plus tard, notre prière
Ne suffit pas. Voyons à choisir sa carrière.
Notre Angelus devient grand garçon, et déjà
Sa jeune âme, que Dieu jusqu’ici protégea,
Blanc calice, s’entr’ouvre et cherche la lumière.
Nous avons bien guidé son enfance première :
Il ne sait rien encor de mauvais ni d’amer ;
Il n’a vu jusqu’ici que le ciel et la mer ;
Par la chanson du flux son âme fut bercée,
Et l’azur est moins pur que sa fraîche pensée
Et que ses sens nouveaux encore appesantis,
Car la grande nature est bonne aux tout petits.
Mais il faut profiter de l’heureuse minute.
Nous sommes vieux. Demain, seul, il faudra qu’il lutte ;