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Malgré le souffle sain et puissant de la mer
Qui caressait son front sans y mettre le hâle,
Angelus devenait plus souffrant et plus pâle ;
Et de ce mal visible à peine, mais profond,
Les vieux ne savaient rien, presque contents au fond
— Car chez les plus aimants l’égoïsme sommeille ―
Que cette enfance fût moins fraîche et moins vermeille,
Mais plus tendre et toujours présente à leur foyer.
Tous deux s’étaient hâtés bien vite d’oublier
Leurs doutes de jadis. On leur eût fait offense
De leur dire à présent ce qu’il faut à l’enfance.
Ils croyaient seulement que leur fils n’était pas
Un être comme un autre, et se disaient tout bas
Que leur affection avait fait ce prodige.
Ils étaient étonnés de leur œuvre ; et, que dis-je !
De cette ardeur précoce, où déjà s’épuisait
Angélus, leur orgueil paternel s’amusait.

Hélas ! leur ignorance était seule coupable,
Non pas leur cœur ; et tout ce dont était capable
De soin, de dévoûment et d’amour, en effet,
Leur vieillesse naïve et bonne, ils l’avaient fait.
Mais malgré tout, malgré leur charité divine,
Ils n’avaient pas appris ce qu’il faut qu’on devine ;
Et leurs cerveaux, trop froids, ne pouvaient plus avoir
L’instinct, bien plus puissant encor que le savoir.