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Entends ces cris de joie au lointain éclatants.
Écoute et souviens-toi. Lorsque depuis longtemps
Un loup, un ours ou quelque autre bête sauvage
Exerçait dans nos bois antiques son ravage,
Et lorsqu’il est enfin tombé sous les épieux,
Le soir sur les coteaux on allume des feux
Autour desquels, grandis par les flammes rougeâtres,
Dansent, lourds et joyeux, les chasseurs et les pâtres ;
Marquis, c’est la coutume en Saxe, n’est-ce pas ?
Puisqu’on en fait autant le jour de ton trépas,
Et qu’on te traite ainsi qu’une bête féroce.

— Silence ! » dit Gottlob avec un rire atroce.
Et, se levant de ses deux poings sur l’oreiller,
Livide, fou de rage, il se mit à crier :

Ah ! vous mettez la flamme aux bûchers, misérables !
Ah ! vous jetez au feu les pins et les érables
Où je taillais jadis vos poteaux de gibet !
Sans mon réveil, demain peut-être l’on flambait,
Pour l’ébaudissement de toute la canaille,
Avec mes ormes gris un margrave de paille !
Ah ! vous coupez gaîment, pour les mettre en fagots,
Mes vieux chênes rugueux plantés du temps des Goths !
Soit ! puisque mon bon peuple aime le feu qui flambe,
Dès ce soir, casque en tête et lance sur la jambe,