Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t1, 1885.djvu/101

Cette page n’a pas encore été corrigée

Tout à l’heure, à genoux près de votre cadavre,
Je priais, en songeant que c’est chose qui navre
Que de voir un vieillard, un grand seigneur, partir
Sans avoir eu le temps de se bien repentir.
Car l’absolution tombant des mains du prêtre
Est encore soumise à l’Éternel peut-être ;
Et, sans contrition, l’orémus dépêché
Ne guérit point l’ulcère horrible du péché.
C’est pourquoi je priais avec ferveur dans l’ombre.
Nous vivons dans un siècle inexorable et sombre,
Monseigneur, dans un temps très-pervers, où les grands
Du malheur populaire, hélas ! sont ignorants.
Les gens de guerre ont tant piétiné l’Allemagne
Qu’il ne reste plus rien debout sur la campagne.
Les moissonneurs sont sans besogne, et nous n’aurons
Bientôt plus de travail que pour les forgerons ;
C’est grand’pitié de voir les blés couchés, les seigles
Perdus, et les festins des vautours et des aigles,
Les seuls qui maintenant se nourrissent de chair ;
On mendie à tous les moutiers ; le pain est cher ;
Les villes ayant faim, les hameaux font comme elles ;
Et les mères n’ont plus de lait dans leurs mamelles.
De cela les puissants n’ont soucis ni remords.
Et moi, qui dois prier ici-bas pour les morts,
Ma prière est surtout pour les grands et les riches :