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L’IMPROMPTU DU VIEUX COLOMBIER
Proscenium. Lumière atténuée. Silence
Dans l’ouverture centrale du rideau, Melle  Suzanne Bing paraît.
Elle salue de la tête, puis elle commence à parler doucement.
Suzanne Bing (faisant le Prologue)

Recevez le salut de la France…
Tandis que vos navires, lourds de moissons et de soldats
poussent leurs proues guerrières vers l’ouest où l’on se bat,
un souffle moins rude a détaché de notre rivage, vers vous,
cet autre navire,
qui débarque, ce soir, au cœur de votre ville
sa cargaison de poètes, d’acteurs, de musiciens,
avec tous les oripeaux du drame et de la comédie.

Au milieu de la guerre,
Accueillez le sourire de la France…

Molière ressuscité dans un justaucorps jaune,
le vieux Corneille sous un grand feutre à plumes,
Marivaux perché sur ses talons rouges,
Beaumarchais la canne à la main,
et Shakespeare…
conduisent un cortège de figures éternelles :
Malvolio d’Illyrie et Figaro de Séville,
Scapin de Naples,
et Sganarelle des environs de Paris,
Colombine avec Zerbinette,
Arlequin qui soulève son masque,
Dorante dont le pourpoint éclate de jeunesse…
Et près de la farce italienne agitant ses grelots,
la douleur moderne qui sanglote à mi-voix.